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Si San m'était conté...
12 août 2012

"C'en est assez !"

Homélie prononcée ce dimanche dans l'église Saint Loup de Brainville-sur-Meuse (Haute-Marne).

« C’en est assez » (1 R 19, 4).

Le prophète Elie, passez moi l’expression, « est au bout du rouleau ». Choisi par Dieu, envoyé par Dieu vers le roi Achab et son peuple, soutenu par Dieu dans la mission reçue dont l’objectif est de rappeler la grandeur de Dieu et d’aider le peuple à changer de vie, il est profondément déçu, car personne ne l’a écouté, malgré tous les signes accomplis. Sa mission et sa vie lui semblent être un échec. Il est seul.  Il n’en peut plus. Il ne désire même plus qu’une chose : « mourir ». Il « demanda la mort : « C’en est assez, reprend ma vie » (1 R 19, 4).

Comment ne pas entendre à travers le cri d’Elie, le cri de tous ceux qui sont écrasés par la maladie, par les crises de toutes sortes, économique ou morale, par les échecs ? « C’en est assez ».  « Je n’en peux plus. » Comment ne pas entendre aussi derrière les paroles d’Elie, la désillusion de ceux qui aiment, de ceux qui construisent toute leur vie sur le don de soi à l’autre, mais qui buttent continuellement sur des murs, sur des personnes fermées, hostiles, sujettes aux « emportements, paroles méchantes, colère, cris, injures » (Eph 4, 31) ? L’amour n’est pas « un long fleuve tranquille ». Et il y a des moments où on peut être tentés de baisser les bras. « C’en est assez… ». "Basta" Comment enfin ne pas entendre également derrière la déception profonde d’Elie, le découragement de tous ceux qui travaillent à la mission de Jésus-Christ et qui peuvent parfois avoir l’impression d’avoir dépensé beaucoup d’énergie en vain ? « C’en est assez… ». « A quoi bon continuer ? »

Je suis frappé de voir que ce cri n’est pas étouffé, passé sous silence, ou même effacé des Ecritures. Il est là, « écrit noir sur blanc », et il nous est donné à entendre aujourd’hui dans la liturgie. Comme pour nous rappeler d’abord que Dieu écoute jusqu’au bout tous ces cris. « J’ai entendu la souffrance de mon peuple » (Ex 3, 7). Comme pour nous inviter ensuite peut-être à savoir écouter tous ces cris sans distinction, sans les interrompre, sans les faire taire, ou sans leur donner de réponses toutes faites. Ecouter, regarder en face ces visages défigurés par les dépressions de toutes sortes, prendre à bras le corps tous ces cris, toutes ces souffrances, tous ces découragements. Savoir écouter jusqu’au bout, sans couper à tout bout de champs. Nous avons tous fait un jour cette expérience d’avoir soulagé une personne par notre écoute : elle se sentait alors comprise, reconnue. Elle existait avec sa souffrance dans les yeux et le cœur de quelqu’un d’autre. Souvent, à la fin d’une rencontre avec les familles en deuil, il m’est arrivé de recevoir des remerciements : « merci pour vos paroles !», et pourtant je n’avais souvent pratiquement rien dit, je n’avais fait qu’écouter, qu’ouvrir mes oreilles et mon cœur.

Ecouter, c’est notre devoir de frère et de sœur de nos prochains. Ecouter, c’est notre devoir de fils et de filles bien-aimés de Dieu. « Ecoute Israël ! » (Dt 6, 4).

Et le Seigneur nous invite aussi à l’écouter. Que nous dit-il aujourd’hui ? « Je suis le pain de vie ». « Celui qui croit en moi, a la vie éternelle. » (Jn 6, 47-48) Sur notre route d’homme, dans nos aventures humaines, le seigneur nous rejoint et nous nourrit, comme autrefois avec les disciples d’Emmaüs. Son écoute, sa Parole et son Eucharistie refont nos forces, nous permettent de reprendre notre route, et parfois notre lutte et notre combat pour la justice, le développement, et l’épanouissement de tout homme et de tout l’homme : « débarrassez-vous de tout ce qui est contraire à la Parole du Christ, imitez le Christ » (Eph 5, 1).

Mère Theresa de Calcutta, celle qui a tant fait pour plus pauvres, avait un autre côté héroïque qui fut révélé seulement après sa mort. Cachée aux yeux de tous, cachée même à ses plus proches, cachée derrière son sourire et sa vie débordante de réalisations, sa vie intérieure fut marquée par l’expérience d’un sentiment profond, douloureux et constant d’être séparée de Dieu, même rejetée par lui, accompagné d’un désir toujours croissant de son amour. Elle appela son expérience intérieure, “l’obscurité”. On l’a découvert après sa mort lors de la publication de ses lettres à son père spirituel. La “ nuit douloureuse ” de son âme qui débuta à peu près au moment où elle commençait son travail pour les pauvres et qui continua jusqu’à la fin de sa vie, conduisit Mère Teresa à une union toujours plus profonde avec Dieu. Elle a trouvé alors dans la contemplation de l’Eucharistie, dans l’écoute de la Parole, dans la participation à l’eucharistie, les forces de tenir bon, d’aimer, et de réaliser tout ce qu’elle a fait.

« Je suis le pain vivant ». C’est une invitation pour nous à venir remplir notre réservoir à la source d’eau vive qu’est le Christ, à nous nourrir de son Eucharistie, à nous laisser façonner par sa Parole, dans notre vie à la suite du Christ.

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