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Si San m'était conté...
3 juin 2012

"J'ai trouvé Celui que mon coeur aime."

Homélie prononcée ce dimanche à la cathédrale de Pontoise.

Une parole a éclairé ma vocation, et a soutenu ma réponse à l’appel du Seigneur. Inscrite sur les images de mon ordination, elle est toujours inscrite au cœur de mon ministère.  Tirée du Cantique des Cantiques, c’est la parole de la bien-aimée à son bien-aimé: « J’ai trouvé celui que mon cœur aime, je l’ai saisi et ne le lâcherai point. » (Ct 3, 4)

« J’ai trouvé Celui que mon cœur aime ». Il s’agit du Christ, et de son Corps qui est l’Eglise. Au commencement, à l’origine de ma vocation, il y a cette passion du Christ et de l’Eglise qui rend présent le Christ sur terre. Cette Eglise, j’ai appris à la découvrir et à l’aimer pendant ma formation au séminaire, en tissant des amitiés avec des séminaristes et prêtres de tous les continents, des églises jeunes et anciennes, des églises dynamiques et aux nombreux défis aussi. Cette Eglise, j’ai continué de la découvrir et de l’aimer dans les premières missions reçues à Mantes-la-Jolie, puis à Sartrouville, des communautés « catholiques » au sens premier du terme, « universelles ». Le dimanche, je célébrai l’eucharistie avec le monde entier. Ces chrétiens issus de tous les continents, que j’ai eu l’honneur de servir, m’ont permis de sentir battre le cœur de l’Eglise universelle.

Originaire de Versailles, prêtre du diocèse de Versailles, je suis en même temps prêtre de l’Eglise Catholique. Enraciné dans une Eglise particulière, je suis en même temps lié à l’Eglise Universelle toute entière. Il n’y a pas de coupure possible entre les deux. Nous sommes profondément liés les uns aux autres, comme dans un corps, pour reprendre la formule de saint Paul. La tête ne peut pas dire au pied, je n’ai pas besoin de toi, les mains ne peuvent pas dire à l’œil, je n’ai pas besoin de toi, l’Eglise qui est à Versailles ne peut pas dire à l’Eglise qui est à San au Mali, je n’ai pas besoin de toi. Nous sommes liés, nous avons besoin les uns des autres. « J’ai trouvé Celui que mon cœur aime », le Christ et son Corps l’Eglise universelle. C’est là, dans cette parole de Dieu, que se situe ma vocation à aimer et servir le Christ et son Eglise universelle. C’est là que se trouve les raisons de mon départ pour l’Afrique et San au Mali en particulier. « L’amour du Christ me presse », dirait saint Paul.

Souvent, on me pose cette question. Mais pourquoi partir à San au Mali alors que nous manquons cruellement de prêtres en France ? Et d’ailleurs, on voit aujourd’hui beaucoup de prêtres africains en France s’investir dans les diocèses en France. Et pourtant, savez-vous qu’au Mali, pays qui est deux fois et demie plus grand que la France, il y a à peine 140 prêtres en grande majorité maliens. Le diocèse de San où je sers est plus grand qu’une région française, les paroisses sont plus grandes que des diocèses avec deux ou trois prêtres seulement. Pour visiter toutes les communautés chrétiennes, dispersées sur tout le territoire, cela leur demande beaucoup d’efforts sur des pistes difficilement praticables. Certaines communautés ne peuvent voir le prêtre qu’une fois tous les deux mois. Pris par la visite de toutes les communautés, et la formation et le soutien des catéchistes qui guident chaque communauté, les prêtres n’ont plus toujours l’occasion de réfléchir et même de développer une pastorale de la rencontre interreligieuse, dans un pays où pourtant 90 % de la population est musulmane, ou encore une pastorale des jeunes, dans un pays où 75% de la population a moins de 25 ans.

C’est pour accompagner les jeunes que Mgr Jean-Gabriel Diarra, l’évêque de San, m’a justement appelé. Et après une année passée à apprendre la langue bambara, mais aussi à écouter les jeunes, et leurs éducateurs, à discerner leurs attentes, j’ai fondé avec le concours d’une vingtaine de jeunes adultes un centre pastoral pour les jeunes. L’objectif de ce centre est de faire grandir ces jeunes dans toutes les dimensions de leur vie humaine, intellectuelle et spirituelle. Chaque jour, nous accueillons plus de 130 jeunes pour du soutien scolaire, des activités culturelles ou sportives, des camps bibliques ou des récollections. Je suis vraiment admiratif par leur fidélité, leur travail acharné, leur volonté de réussir, leur soif aussi de découvrir ce que le Christ attend d’eux. Ils auraient bien des raisons de baisser les bras et notamment ces derniers temps avec la crise politique que traverse le pays, mais ils continuent de venir et de se battre pour réussir, ils auraient bien des raisons de devenir musulmans, eux qui sont noyés dans un océan musulman, mais ils tiennent au Christ et cherchent à mieux le connaître et le servir.

Il y a un instant dans la conclusion de l’évangile de Matthieu, nous avons entendu le Christ nous confier cette merveilleuse révélation : « et moi, je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde» (Mt 28, 20), révélation qui fait écho au nom donné au Christ au début du même évangile, « l’Emmanuel » (Mt 1, 23), qui désigne sa mission : il est « Dieu avec nous », révélation qui reprend la formule d’alliance de Dieu avec son peuple dans Isaïe : « Et maintenant ainsi parle le Seigneur. Ne crains pas Israël, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom : tu es avec moi. Si tu traverses les eaux, je serai avec toi, et les rivières elles ne te submergeront pas… Car tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime. » (Is 43, 1ss).

Nous savons tous combien cette révélation est essentielle pour vivre, pour tenir, pour se battre, pour espérer. C’est parce que nous sommes aimés, c’est parce que nous avons du prix aux yeux de quelqu’un, que nous pouvons grandir, vivre, et tenir. Aujourd’hui, très concrètement, par ma présence auprès des jeunes de San, c’est cette bonne nouvelle que je désire leur faire connaître : la proximité de Dieu qui se bat à leur côté.

Il y a vraiment urgence à faire résonner cette parole au cœur de toutes personnes, à San,  à Pontoise, ou ailleurs. Combien de personnes dans nos immeubles, dans nos rues, dans nos quartiers, dans nos villages, n’ont jamais entendu cette parole, sont en attente de cette bonne nouvelle. Oui, Seigneur, envoies-nous rayonner ta Parole là où nous sommes !

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